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vendredi 22 février 2008

L'ambassade des États-Unis brûle à Belgrade

Ils étaient des centaines de milliers, jeudi, dans la capitale serbe à protester après la proclamation d'indépendance du Kosovo.

Ce fut la plus grande manifestation depuis le rassemblement qui avait jeté un demi-million de personnes dans la rue pour réclamer le départ de Slobodan Milosevic, en 2000. jeudi, près de 200 000 Serbes se sont rassemblés devant le Parlement, à l'appel du premier ministre nationaliste Vojsilav Kostunica et du puissant parti d'extrême droite de Tomislav Nikolic, le SRS. Une foule immense décidée à s'opposer à l'indépendance du Kosovo, que les Serbes considèrent comme le berceau de leur culture. Sur des banderoles, les mêmes slogans réaffirmés depuis la fin de la guerre du Kosovo, en 1999 : «Le Kosovo est à nous», «le Kosovo est à la Serbie». Appelés par les nationalistes à refuser la sécession de cette ancienne province de Serbie, les manifestants avaient afflué de tout le pays, convoyés dans des bus affrétés par les autorités. La journée avait été décrétée fériée, comme pour l'enterrement d'un grand leader national. Le rassemblement a dégénéré lorsque des extrémistes ont attaqué l'ambassade des États-Unis inoccupée, considérés, avec l'Union européenne, comme les principaux responsables de l'indépendance du Kosovo. Des casseurs ont mis le feu à la chancellerie. Un corps carbonisé non identifié aurait été extrait des lieux. Des incidents se sont également produits devant les ambassades de Croatie, de Turquie et d'Allemagne.

Démonstration de force

Invité vedette à la tribune, le premier ministre Vojislav Kostunica a promis à la foule que «personne, en Serbie, n'aura jamais le droit d'autoriser» l'indépendance du Kosovo, comme l'avait déjà fait Milosevic devant les Serbes du Kosovo en 1989, dans un discours qui avait relancé le nationalisme et mis le feu aux poudres dans les Balkans. Quant à l'ultranationaliste Nikolic, il a assuré que les Serbes «ne connaîtront pas de repos tant que le Kosovo ne sera pas revenu sous le contrôle de la Serbie». Seul le président Boris Tadic qui, malgré le soutien apporté par les pays européens à Pristina, veut poursuivre le rapprochement de son pays avec l'UE, et qui avait préféré se rendre en Roumanie plutôt que de cautionner la manifestation des nationalistes, a tenté de calmer le jeu. Depuis Bucarest, il a assuré que «la Serbie ne s'engagera pas dans la voie de l'isolement» et qu'elle «ne renoncera pas à son avenir en Europe». Une déclaration qui a rassuré tous ceux qui pensent que cette démonstration de force est la dernière, celle qui permettra une catharsis salvatrice pour la Serbie. Elle intervient pourtant dans un contexte tendu. À Belgrade, où des ultranationalistes s'en étaient déjà pris dimanche aux intérêts occidentaux et où les autorités ont rappelé les ambassadeurs des pays ayant reconnu l'indépendance du Kosovo. Mais aussi à Mitrovica, dans la partie nord du Kosovo, où les Serbes manifestent chaque jour pour réaffirmer la souveraineté de Belgrade sur leur ancienne province. Les autorités serbes ont assuré qu'elles n'utiliseraient que des moyens diplomatiques pour s'opposer au départ du Kosovo. Après avoir livré et perdu quatre guerres dans les Balkans depuis le début des années 1990, les Serbes n'ont plus ni l'envie ni les moyens d'en découdre à nouveau avec les Albanais et l'Otan. Mais les risques de débordements existent. Ils sont d'autant plus réels que le premier ministre Kostunica, au lieu de faire preuve de pragmatisme et de coopérer pour trouver une solution sur le Kosovo, a depuis plusieurs années entretenu les frustrations des Serbes et flatté le nationalisme des radicaux.

Reste à savoir si, en manifestant, les Serbes se bornent à montrer leurs muscles tout en sachant qu'il leur faudra demain regarder vers l'avenir. Ou s'ils sont prêts, forts du soutien russe et déçus par l'Union européenne, à déstabiliser à nouveau une région qui sort à peine de la guerre. Ils ont pour cela plusieurs cartes en main. ls pourraient d'abord décider d'officialiser la partition du nord de Mitrovica afin de la rattacher à la Serbie. Les attaques des postes frontières séparant la Serbie et le Kosovo, qui se sont produites mardi et à nouveau jeudi à Merdare, sont hautement symboliques. Autre sujet d'inquiétude : les autorités serbes vont-elles encourager les velléités sécessionnistes de la Republika Srpska, l'entité serbe de Bosnie, dont les ultranationalistes demandent le rattachement à la mère patrie ? Un tel mouvement risquerait de faire exploser les accords de Dayton, qui ont mis fin à la guerre de Bosnie en 1995. Beaucoup dépendra de l'influence et de la force de conviction que réussira ou non à avoir le président Boris Tadic. Source : Le Figaro


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