Nos grands hommes, on les oublie de leur vivant. On leur déroule le tapis rouge après. Après, c’est quand ils ne sont plus là pour s’en féliciter. Conscient du fait que le passé doit servir d’exemple au présent pour améliorer l’avenir, Boubacar Joseph NDIAYE se bat depuis plus de quarante ans contre l’oubli et la falsification de notre histoire. L’histoire de cette Afrique soumise pendant plus de trois cent ans à un pillage qui l’a mise à jamais sous perfusion des anciens colonisateurs. Il refuse d’oublier, rappelant sans cesse combien l’oubli et l’indifférence ne puissent l’emporter sur la nécessité d’un devoir de mémoire. Le charismatique conservateur de la maison des esclaves, ce précieux monument historique au verbe caractérisé par sa fluidité et son élégance, estime « qu’on ne parle jamais assez de la traite des noirs et que sa dévotion à la maison des esclaves de Gorée est une tâche qu’il exerce dans le sacerdoce le plus extrême ».
En 2004, lors de la première édition du Gala de Reconnaissance qui lui avait été dédiée et dont les recettes lui avaient été intégralement versées, nous disions que Boubacar Joseph Ndiaye n’appartenait plus seulement qu’au Sénégal. Il est devenu, au-delà de la diaspora noire, le porte-parole de tous ceux qui considèrent comme un devoir de mémoire la conservation et la vivification de tous les pans de notre histoire fussent-ils les plus douloureux. À l’époque, lors d’une audience au palais présidentiel, Monsieur le Président de la République disait au ministre de la Culture d’alors ceci : Réglez-moi la situation de Boubacar Joseph NDIAYE. Eh bien monsieur le Président, tonton joseph NDIAYE est toujours dans un gouffre sans bords d’où il continue d’élever sa voix pour enseigner l’histoire tout en encourageant le pardon, la tolérance et l’ouverture, vacciné qu’il est contre la rancœur et la vengeance ; le vieux sage fait sienne cette assertion de Taubira Delanon selon laquelle, « la culpabilité n’est pas héréditaire ».
À 85 ans, avec un état de santé très précaire, cette fierté nationale se débrouille encore tous les jours à l’exception du lundi, pour aller maintenir en vie « sa maison », « le musée des esclaves », ce haut lieu de la mémoire du peuple noir et symbole achevé de la folie des hommes. Il est ainsi un des plus grands vendeurs de la destination Sénégal, ce qui devrait aussi pousser le Ministre du Tourisme et les acteurs de ce secteur qui bénéficient d’un raz-de-marée d’Euros, à lui renvoyer l’ascenseur. Le service inquantifiable qu’il rend sans trêve à son peuple vaut au moins un véhicule de service, une villa etc. Il est des symboles que nous avons l’impérieux devoir de protéger avec amour et Boubacar Joseph NDIAYE en est un. Malheureusement, le vieux se débat encore tout seul comme le commun des crève-la-faim dans un environnement pas du tout tendre envers lui. Le chacun pour soi est en train d’engloutir de valeureux citoyens qui ne sont pas des spécialistes de la lamentation. On me dira qu’à son âge, l’administration se trouve dans l’impossibilité de lui trouver un statut. Et l’administration a besoin de lui, le peuple aussi. Donc, à situation exceptionnelle, décision exceptionnelle. Il peut bel et bien bénéficier d’un statut spécial. Mais, en attendant qu’il sorte de ce labyrinthe compliqué de la paperasserie gouvernementale, messieurs les honorables députés, chers représentants du peuple, amputez cinq mille francs CFA (7,63 Euros) de votre salaire mensuel récemment dédoublé, à reverser à notre emblématique porte voix et le problème est réglé. Ce ne serait pas de la charité, mais juste un acte citoyen.
Souleymane DIEYE
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