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samedi 30 août 2008

Martin Luther King-Barack Obama : d'un rêve à l'autre

Par Aboubacar Demba Cissokho (Rédaction alpha2) - Barack Obama avait rendez-vous avec l'Histoire, 45 ans, jour pour jour, après le célèbre discours de Martin Luther King dans lequel le pasteur d'Atlanta disait, le 28 août 1963, à des milliers de personnes réunies à Washington : ‘'I have a dream (J'ai fait un rêve)''. C'était un grand pas de voir King prononcer ce discours - entré depuis dans l'Histoire - dans une Amérique où des groupes extrémistes comme le Ku Klux Klan faisaient régner la terreur dans les quartiers noirs, notamment ceux du Sud des Etats-Unis. Jeudi, les Démocrates ont fait franchir un autre pas de géant à leur pays : celui qui permet à un Noir de se tenir devant les délégués et militants d'un grand parti américain et dire : ‘'j'accepte d'être votre candidat à la présidence des Etats-Unis d'Amérique''. A l'analyse, et au-delà du symbole que constitue le choix de la date du 28 août, le discours de Barack Obama peut être vu comme le prolongement naturel de celui du pasteur d'Atlanta. Quand Martin Luther King s'adressait aux Américains, il s'agissait de conquête de liberté, de droits civils et civiques, d'émancipation et annoncer ‘'l'aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité''.

Cette aspiration se fondait sur le credo proclamé dans la Déclaration d'indépendance de 1776 : ‘'nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux.'' ‘'Il est aujourd'hui évident que l'Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur, constatait le pasteur, amer. Au lieu d'honorer son obligation sacrée, l'Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur ; un chèque qui est revenu avec la mention - Provisions insuffisantes -''. Dans son discours, Martin Luther King dénonçait une situation dans laquelle le Noir se trouvait ‘'en exil dans son propre pays''. Il rêvait d'une société où ‘'les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur''. C'est cette ‘'promesse'', pour laquelle de grands pas ont été franchis au prix de nombreux sacrifices, que le candidat Obama se…promet de restaurer. Par une vision d'abord, un programme et des actes ensuite. Parce que la bataille ne concerne plus les droits civils pour une communauté ayant subi 400 ans d'esclavage, 100 ans de ségrégation, de discrimination, d'intimidation, des horreurs de la brutalité policière. Le fait que Barack Obama a aujourd'hui une chance de devenir le premier locataire de la Maison Blanche est une preuve de l'acceptation par un plus grand nombre d'Américains de l'idée qu'un Noir peut diriger leur pays.

Loin donc le temps où Luther King disait : ‘'je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère''. Des foyers extrémistes existent toujours. Les projets - déjoués - d'assassiner le sénateur de l'Illinois en sont la preuve. Mais le fait est là : il y a seulement quelques années, les analystes politiques les plus optimistes étaient loin d'imaginer le scénario d'un Noir directement impliqué dans la dernière ligne droite d'une présidentielle américaine. Le pas est donc important et il permet à Obama de s'éloigner des revendications communautaristes - qu'il n'a jamais endossées d'ailleurs -et de se placer dans la posture d'un homme d'Etat responsable et soucieux d'influer sur le destin d'un pays de plus de 250 millions d'habitants. Est-il capable de proposer un projet aux Américains qu'il a habitués, depuis le discours de Boston en 2004, à une vision plutôt qu'à un programme ? C'est à cette question qu'il a répondue, jeudi, devant plus de 80.000 personnes réunies dans le stade Invesco de Denver. Il a décliné son programme économique en direction des classes moyennes et des pauvres, parlé de l'Irak, d'éducation, de santé, de sécurité sociale, d'assurance maladie, de dépendance des Etats-Unis du pétrole du Moyen-Orient, de changement climatique, de dialogue avec la Syrie, l'Iran, pays considérés comme des parias par l'administration Bush. Barack Obama est la preuve qu'''on peut aller au-delà de ses limites. On peut être le prochain président si on le veut'', a analysé une jeune déléguée démocrate. En écho à cette conviction de Martin Luther King : ‘'nous ne pouvons croire qu'il n'y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice''. La marche d'Obama est aussi celle de millions d'hommes et de femmes, confinés jusqu'ici à une bataille de la reconnaissance, et projetés aujourd'hui dans une conquête d'un autre type.

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